Au moment où je lance mon site internet, je m’interroge sur le mot « éditrice » qui désigne ma profession. Pourquoi « éditrice » et pourquoi pas « éditeure » ? Ces questions renvoient au débat passionnant sur l’écriture inclusive, l’évolution de la langue et sa graphie au fil des siècles.

Quelle chance pour moi, mon métier me donne une visibilité identique à celle de mes confrères hommes, à la différence de nombreux autres, comme auteur, chef, docteur, médecin pour lesquels la féminisation du mot fait l’objet d’une revendication légitime. Le débat suscite de véritables passions dans la mesure où l’on ne touche pas uniquement à des questions techniques mais à des questions d’identité et de pouvoir. 

En me penchant sur le sujet, je découvre avec stupéfaction que le principe « le masculin l’emporte sur le féminin» n’a pas toujours été la règle. Et pourtant, j’ai étudié en profondeur la singularité de la langue, je me suis appliquée avec constance, limite dévotion, à en défendre les codes, sans savoir et loin de me douter que les règles qui garantissaient la parité linguistique avaient été revisitées par une poignée de grammairiens sous prétexte que seul le genre noble, donc masculin, devait être représenté.

« Parce que le genre masculin est plus noble, il prévaut seul contre deux ou plusieurs féminins », écrivait le grammairien Scipion Dupleix en 1651. Ce postulat dévastateur – résumé par la formule scolaire : « le masculin l’emporte sur le féminin » vint anéantir les règles et habits des siècles précédents.

Prenons ces deux règles pour comprendre :
*La « règle de proximité » qui se faisait en fonction de la place, de la proximité immédiate du nom féminin ou masculin avec le verbe. Ainsi il était correct d’écrire : « Les hommes ou les femmes seraient bien rentrées par le même train. » Aujourd’hui, il est correct d’écrire : « Les femmes et les hommes seraient bien rentrés par le même train. »
*La « règle de majorité » qui répondait à une logique puisque l’accord se faisait par le pluriel et non le genre : « Un vase magnifique et des toiles splendides sont présentées. » (accord selon Dupleix) devient aujourd’hui : « Un vase magnifique et des toiles splendides sont présentés. » 

Alors non, il n’est pas dans la « tradition », comme je le pensais, que le masculin l’emporte en grammaire sur le féminin. Cette fameuse « règle » existe en fait depuis très peu de temps. La règle du masculin dominant sur le féminin n’est rentrée dans toutes les têtes que depuis la généralisation de l’école primaire obligatoire (à partir de 1830 pour les garçons, 1880 pour les filles). 

L’écriture inclusive pose un vrai débat au tournant du XXIe siècle, qui souligne que la langue n’est pas quelque chose de figé mais qu’elle suit les ondulations sociales, politiques et culturelles de son époque. Les règles changent, évoluent, c’est le propre d’une langue qui n’est pas morte.

« Auteure » ou « Autrice » ?

Avant que l’on puisse suivre une ligne très claire, il s’agira de s’adapter en matière de relecture-correction. Pour le moment nous nous référons aux règles d’usage en cours. Cependant quand il y aura une discussion autour de ces questions, Optima édition fera montre de souplesse pour trouver un compromis entre les règles, la ligne de la maison d’édition et les désirs de l’auteur(e).

Pour ma part, je ne saurais dire ce qui est préférable entre auteure et autrice, la réflexion reste ouverte. Les deux écritures sont admises. Toutefois pour des raisons d’inconfort à l’oral, d’inélégance, Optima édition propose la graphie « auteure », même si la logique de la langue donnerait avantage au terme « autrice ». 

NB : L’écriture inclusive peut se définir ainsi : « Ensemble d’attentions graphiques et syntaxiques permettant d’assurer une égalité des représentations entre les hommes et les femmes. Cette écriture inclusive repose sur trois principes : accorder les fonctions, les métiers mais aussi les titres et grades en fonction du genre. »

Pour en savoir plus :
http://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-politique/le-billet-politi
http://lacademie.tv/conferences/de-la-feminisation-des-noms-de-met
http://www.scribbr.fr/astuces/ecriture-inclusive/